Tour du monde à vélo : Yves Chaloin

" Un tour du monde à vélo… c’est une vie en plus "

Le premier tour du monde d'Yves Chaloin

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Parti d'Europe en cargo, Yves Chaloin enfourche son vélo à Buenos Aires en décembre 2001 pour un long tour du monde. Jusqu'à son arrivée à Genève le 13 septembre 2002, il aura remonté toute l'Amérique du Sud, traversé la Cordillère des Andes, le désert d'Atacama, l'Amérique Centrale et le Mexique, rejoint les Etats-Unis et enduré les Rocheuses, puis sillonné la Chine, la Mongolie, la Russie et ses interminables steppes.

Interview Yves Chaloin : L'internaute - "Le plus dur en vélo, c'est les 1500 premiers kilomètres !"


Qu'est-ce qui vous a poussé à faire ce tour du monde ?
Yves Chaloin. Au départ, j'aime le vélo, et puis mon créneau : c'est l'endurance. Très vite, j'ai pris goût aux choses assez longues, des étapes d'une journée ou de plusieurs jours, et quand j'en ai eu marre de traverser la France, j'ai voulu passer les frontières. Je suis donc allé en Ukraine, puis en Israël, et au milieu de ce voyage, j'ai décidé de préparer un tour du monde. En plus du plaisir sportif que je prends à travers le vélo, il y a la découverte des pays de façon privilégiée. Quand on a voyagé en vélo, on trouve fades les autres formes de voyage : je pose un pied à terre, les gens viennent vers moi, ils discutent, ils m'accueillent, ils m'invitent chez eux… tout ça est assez spontané.

Dans ce cas-là, pourquoi ne pas voyager à pied ?
Le voyage à pied c'est la rolls du voyage parce que, plus encore qu'avec le vélo, on prend le temps de voir les paysages, les visages, et de s'imprégner des lieux qu'on traverse. L'ennui c'est qu'en ce qui me concerne, la marche c'est un peu trop lent. Je suis de caractère assez impulsif.

D'où vous vient cette passion pour le vélo ?
J'aime le vélo parce qu'il permet de faire corps avec la nature et le climat, et de vivre à leur rythme : si l'air est frais, on a froid ; s'il fait chaud, on a chaud, s'il pleut on est mouillé… Même si parfois, j'ai la tête dans le guidon, concentré sur mon effort, j'ai toujours le temps de voir, de prendre le temps de voir, et d'être complètement ouvert à mon environnement. Et puis c'est indéniable qu'il existe un bonheur de l'effort, c'est un jeu avec soi-même, un équilibre. On souffre mais c'est de la bonne souffrance.

Comment avez-vous préparé ce tour du monde ?
Pour le financement, j'ai cherché des sponsors. En raison de l'aspect sportif très prononcé de ce tour du monde, c'était nécessaire de ne pas trop voyager à la dure. En Russie par exemple, je pédalais 12h par jour. Pour maintenir le rythme, c'était appréciable d'avoir la possibilité de dormir à l'abri de temps à autres et de ne pas camper tous les soirs. J'avais aussi planifié l'itinéraire pendant deux ans, en prenant compte de toutes les données possibles : culturelles, climatiques… Sept semaines avant le départ, il y a eu les événements du 11 septembre. Comme j'avais prévu de rejoindre rapidement l'Afrique du Nord, de passer en Iran, en Arabie et au Pakistan, j'ai choisi de de renoncer à cet itinéraire. J'aurais pu le faire parce qu'on peut aller partout en vélo. Simplement, j'ai estimé que c'était déplacé. Les gens menacés par la guerre ont d'autres choses à faire que de s'occuper d'un voyageur à vélo. J'ai donc élaboré à la hâte un nouvel itinéraire qui partirait d'Amérique du Sud. Ce sont les hasards de la vie : quand on essaie de programmer on se trompe toujours. Du coup, quand je suis parti, je ne savais rien sur les pays que j'allais traverser. J'ai juste eu le temps de lire et de me renseigner en route, sur le cargo, en potassant des bouquins sur l'Amérique du Sud et l'Amérique Centrale.

Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées pendant ce périple sur le plan physique ?
L'épouvantail, c'était la Cordillère des Andes, incontestablement. Sur le plan physique c'était monstrueux. Pour que vous compreniez, le plancher est entre 1500m et 2000m, on grimpe jusqu'à 4000m / 4200m, là on fait le yoyo sur 50 km entre 4000m et 4500m, puis on retombe dans un trou : 1800m. Et après on recommence ! Ça c'est terrible.
En numéro 2 dans l'ordre des difficultés, je mettrais les Rocheuses alors que je m'y attendais moins. Déjà, j'ai fait la totalité des Etats-Unis vent de face. Mais plus particulièrement dans la Vallée de la Mort, j'ai eu des moments très pénibles. Pour traverser cette étuve, j'étais en cuissards et maillot court, et lorsque je suis remonté sur le versant Ouest en direction de la Sierra Nevada, j'ai pris une tempête incroyable. Le vent m'a totalement surpris, il était glacial et très violent. Je ne pouvais plus avancer, même pas à pied, et il a réussi à me faire tomber par terre sur le vélo. Je n'ai pas pu me changer parce que si j'avais ouvert un sac tout se serait envolé. J'ai donc gelé sur place en attendant que ça passe !
Enfin en numéro 3, je pense à la Russie alors que ça ne monte jamais ! En Sibérie on oscille dans une plage de 300m de dénivelé : sans arrêt des petites montées et des petites descentes sur 5000 km. En plus l'été, il y fait très chaud et c'est infecté de moustiques. Mais vous savez, le plus dur en vélo, c'est les 1500 premiers kilomètres !

...et sur le plan matériel ?
Sur le plan matériel, j'ai pas cassé un rayon ! Les patins de frein-avant ont fait le tour du monde, j'ai juste changé les patins arrière en Chine, par prévention. Ah si ! J'ai cassé une petite tige en titane sous la selle. Mais rien d'autre. Si ça s'est aussi bien passé, c'est que j'avais fait un énorme travail de préparation sur le vélo et que je l'avais équipé de tout ce qui se fait de mieux.
A part les Etats-Unis où je n'ai pas eu trop de chance sur la météo, le reste du voyage a été un miracle permanent. Seulement 77 heures de pluie pour 287 jours de voyage soit 2208 heures de vélo ! J'aurais facilement pu passer 800 heures sous la pluie. Quand j'ai traversé la Bolivie, il y avait des inondations au Pérou, et quand j'étais au Pérou, les inondations étaient en Bolivie ! Quand je suis arrivé dans le désert d'Atacama, la région la plus aride du globe : il pleuvait ! J'ai traversé toute la Sibérie entre les orages, et quand je suis arrivé en Autriche où les gens avaient été évacués pour inondation, c'est en Russie qu'il pleuvait des trombes ! Je me suis baladé avec mon bout de ciel bleu portatif.

 

LE LIVRE - Récit d'un tour du monde à vélo


"Le bord des routes" - 184 pages – 14,0 x 19,0 cm - © Yves CHALOIN - 2005

"Un tour du monde est une affaire personnelle, on s'y épanouit en quittant son entourage et en profitant de l'hospitalité de ceux qui ne sortent pas de leur pays.

La règle du jeu, emprunter ici un lit, là un peu d'eau, ailleurs un repas, mais le voyageur à vélo ne donne rien,

il est juste cette personne que l'on envie au gré d'un passage éphémère et qui s'en va... "


Après trois voyages à vélo, entrepris seul et dans un but sportif : Ukraine en 1994, Israël en 1999 et le tour du monde en 2002, j’avais encore « faim ». Je rêvais de partager une pareille aventure, et puis un jour Olivia m’a dit qu’elle en avait assez d’écouter mes histoires, qu’elle voulait partir elle aussi.
Nous avons aussitôt imaginé un voyage sur un tandem original, et cherché les moyens de le réaliser. C’est comme ça que j’ai décidé d’écrire ce livre, sans tricher, en racontant ce que j’ai vu, en essayant de décrire ce que j’ai ressenti.
Quand vous lirez ces lignes, nous serons peut-être déjà sur les routes, quelque part entre l’Amérique du Sud, le Canada, l’Australie et l’Afrique.
J’espère que ce récit vous donnera du plaisir, et pourquoi pas l’envie de partir. Nul besoin d’être un sportif d’exception, il suffit de savoir rêver.Un tour du monde à vélo… c’est une vie en plus.